Mon dîner du Siècle – Par Tibo. (+ échos médiatiques et communiqué de presse)

24 novembre 2010, place de la Concorde, à l’Automobile Club de France (ACF), le lieu de rendez-vous.

automobile club de france

J’arrive par le métro, peu avant 19h30.

Un flic en civil est déjà placé en faction dans les couloirs du métro, devant la sortie, avec son talkie walkie dans les mains. Je monte les marches pour aller dehors, et je vois plein de flics, avec boucliers et casques, contrôlant le périmètre. L’ambiance est déjà électrique.

Pas loin, à droite de l’entrée de l’ACF, je remarque un petit groupe de fachos : je les reconnais à leur look de jeunes fafs, leurs écussons bizarres et leurs drapeaux moches. Avec eux, il y a aussi des fachos un peu plus âgés, bien habillés, propres sur eux, calmes, indétectables, genre Radio Courtoisie.

Plus loin et plus nombreux, en face de l’ACF, je vois les gauchistes s’agiter et faire du bruit. Les policiers sont en face d’eux, droits dans leurs bottes, casques et boucliers, matraques exhibées pour certains. Je me dirige vers l’entrée de l’ACF, bien gardée par des policiers en képi. Pour prendre un peu le poul, j’adresse la parole à un des flics : « Vous avez remarqué ? Il y a un groupe d’extrême-droite ici, à côté. Faites attention, ils peuvent être dangereux ces gens-là. Ils faut les surveiller ! » Je fais un peu mon bouffon naïf, pour endormir les défenses de mon interlocuteur et celui-ci me répond direct : « Moi, je n’ai aucun problème avec l’extrême-droite, qui eux savent se tenir tranquilles. Mon problème, c’est l’extrême-gauche, dit-il en me désignant le groupe en face. Ils sont violents, provocateurs et nous insultent toujours ! On n’a aucun souci avec l’extrême-droite. »

Sonné par cette réponse choc, qui me fait croire en des connivences entre l’extrême-droite et la police, je me dirige rejoindre les copains, groupés en face de l’ACF. Derrière eux, il y a des camions de flics et deux d’entre eux discutent. Je laisse traîner mes oreilles indiscrètes pour écouter leur conversation et l’un d’eux dit : « Y’a jamais de problèmes avec l’extrême-droite. Les provocations et les violences viennent toujours de l’extrême-gauche… ». Avec quelques camarades, on engage la discussion avec ces policiers, pour essayer de leur expliquer les raisons de notre manifestation. Préférant éviter de fraterniser avec nous, un policier se met sur la défensive et me répond : « Nous devons toujours rester neutre et ne jamais prendre parti pour tel ou tel groupe. Nous sommes des agents de l’Etat. » Et je lui rétorque : « Pourtant, ce n’est pas ce qu’un de vos collègues vient de de me démontrer, en me disant qu’il préférait les gens d’extrême-droite aux gens d’extrême-gauche, car ces derniers, selon lui, étaient toujours responsables de violences ! » Son visage montre de la surprise gênée, sachant que lui même était en train de tenir discrètement le même discours à son collègue…

Je laisse ce policier dans ses contradictions et je retourne me mettre au milieu des copains pour gueuler des slogans. Et je soupire en désignant le petit groupe de fachos au loin : « Putain, ils font chier ces nazis à se pointer à notre manif’ ! Mais qu’ils se cassent !!! » Et là, un mec se retourne et me dit d’un air jovial et persuasif:

_ mais non voyons, ce ne sont pas des nazis.

_ Ben c’est quoi alors ? C’est des fascistes si tu préfères ?

_ Ecoute, eux ce ne sont pas tes ennemis, ils luttent ici ce soir pour la même chose que toi. Ce sont tes alliés. Les vrais ennemis ce sont les gens du Siècle !

_ Hey mec, je veux bien être cool, discuter avec tout le monde et même avec les fachos s’il le faut, mais ça ne sera jamais mes copains, ça ne sera jamais mes alliés et je ne veux pas manifester avec eux. Mes grands-pères se sont battus contre les fachos. Ce n’est pas ce soir que je vais trahir leur mémoire !

Puis le mec commence à s’engager dans une argumentation à la con, en essayant de me démontrer que la vraie alternative révolutionnaire aujourd’hui, c’est le nationalisme, pour faire rempart au mondialisme. Ensuite, il se met à me parler du sionisme, de l’histoire du sionisme, du complot sioniste, etc. Il part tout seul dans une loghorrée de ouf, comme s’il avait mille choses à me démontrer en une minute sur le sionisme. J’avais envie de lui dire : « Mec, qu’est-ce tu me saoûles avec ton sionisme ? On est là ce soir pour le dîner du Siècle. T’es hors sujet ! Alain Soral, sort de ce corps !!! » Donc voilà, je venais de tomber sur un bon gros soralien, antisioniste, antihomo, prêt à s’allier avec les amis de Jean-Marie Le Pen et qui était en train de me prendre la tête à dire de la merde. Avant de partir, je lui dis : « Je suis allé lire le site égalité-et-réconciliation de Soral : c’est vrai truc de facho, je n’adhère pas du tout ». Puis je laissais ce maboule égaré en pâture aux copains, qui étaient bien décidé à débattre de ses idées nauséabondes.

Les gens du Siècle arrivent : on crie, on vanne, on insulte, on les invective, on applaudit. Certains lancent des rouleaux de PQ comme serpentins. C’est la fête. D’autres ont mis leurs capuches et leur écharpe sur le visage, à la black bloc. C’est la guerre. Ils se mettent la pression tout seuls, c’est comique.

Mais les flics commencent eux aussi à s’agiter, ils sont énervés. Ils nous font reculer, petit à petit. Puis ils finissent par nous encercler ! Des camions de police vides arrivent : c’est pour nous. Pas moyen de sortir tranquillou prendre le métro, ils nous ont encerclés, capturés et personne n’a le droit de sortir. Tout le monde se tient à carreau, mais tout le monde est quand même révolté de se voir privé de la liberté de circuler. D’ailleurs certains protestent et le font savoir aux flics, lesquels nous encerclent durement, avec leurs boucliers et leurs matraques à la main.

Puis soudain, des coups de tonfas partent dans tous les sens, à un endroit, puis à un autre. Ça crie. Nous sommes complètement à leur merci, sans arme, sans rien, pacifiques, et les coups se mettent à pleuvoir, sans raison apparente. Ceux qui essaient de protéger leurs copains des coups de matraques se font aussi sérieusement frapper, au visage notamment. Parmi nous, certains ont réussi à ouvrir une brèche dans le cordon de police et s’enfuient en courant. La chance sourit aux audacieux ! Un copain, moins chanceux, se fait attraper sans ménagement par les flics, jeter à terre, avec la grosse rangeo lui écrasant la tête au sol. Les flics se mettent à pousser, compresser la foule avec leurs boucliers. Un policier énervé se met à sortir une énorme bombe lacrymogène, bien déterminé à nous gazer la face. Là, on lui dit « stop, arrête, fais pas ça, ça sert à rien. Vous voyez bien qu’on ne fait rien, qu’on a pas d’armes et qu’on va aller nulle part, vu qu’on est complètement encerclés ! Donc arrêtez de nous frapper et de nous pousser comme ça ! Et surtout, rangez la lacrymo. Ne nous gazez pas ! On a rien fait et on va rien faire ! »

Et oui, des fois je préfère négocier plutôt que de me faire casser la gueule sans pouvoir me défendre…

Les flics nous attrappent, un par un, pour nous fouiller et nous foutre dans les camions, direction le commissariat. Dans le panier à salade, les copains qui ont pris des coups sont sous le choc et très remontés. J’essaie de détendre l’atmopshère avec des blagues. Ça va bien se passer…

On fait connaissance, on sympathise : y’a des anarchistes, des conspirationnistes (non fachos, je crois), des mecs du Scalp et autres gauchistes. Ça donne lieu à un mini débat. Mais j’ai malheureusement très envie de pisser…

Heureusement, on ne nous gardera pas longtemps au commissariat du XIème. Avant de partir, on demande aux flics :

_ Mais au fait, vous savez pourquoi on était là ce soir ?

_ Très bonne question, répond l’un d’eux.

On leur explique brièvement le but de notre action, puis on leur dit « Au revoir ! Et rendez-vous le mois prochain, on aura l’occasion de vous expliquer plus en détail. On compte sur vous ! »

On sème des graines, car parfois ça pousse.

Ce soir, je croyais pouvoir apercevoir des stars, comme à Cannes, mais je n’ai vu que des flics… qui nous ont explosés.

Quant aux gens du Siècle :

« NOUS NE VOUS OUBLIERONS JAMAIS ! »

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FRANCE INFO, 25 novembre 2010 : « Dans les coulisses du Dîner du Siècle ».

      http://monculentofu.free.fr/audio/france_info_-_diner_du_siecle.mp3

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Communiqué de presse du Collectif Fini les Concessions – CFC BAP – Branche Armée… de Patience
Jeudi 25 novembre 2010

Victoire : Pujadas, Chain, Field, Chabot, Ockrent et Joffrin…
privés de repas au Dîner du Siècle !!!

Le club du Siècle, qui réunit chaque mois les « élites » patronales, politiques et médiatiques françaises pour un somptueux dîner entre amis, vient d’essuyer un revers historique. Le mercredi 24 novembre, ce banquet habituellement très discret a en effet reçu la visite de quelque trois cents indésirables venus pique-niquer sur le trottoir de l’hôtel Crillon, place de la Concorde à Paris.

Effrayés par ces trouble-fêtes armés de cotillons et d’assiettes dorées ornées d’un pavé, de nombreux journalistes membres du Siècle, parmi lesquels Emmanuel Chain, Michel Field, Arlette Chabot, David Pujadas, Christine Ockrent et Laurent Joffrin, ont préféré rester chez eux ou battre en retraite. Étaient en revanche présents Jean-Pierre Elkabbach, Sylvie Pierre-Brossolette et Alexandre Adler, qui pour rien au monde ne raterait l’occasion d’un repas copieux. Reste que, pour la première fois dans l’histoire du Siècle, plusieurs membres éminents de la confrérie ont été privés de dîner.

La police était pourtant venue en nombre pour les rassurer. Casquées, harnachées et matraques au poing, les troupes anti-émeutes ont d’abord dressé un cordon infranchissable autour des manifestants, selon la technique dite de la « garde-à-vue à ciel ouvert » expérimentée récemment place Bellecour à Lyon, et ont plongé cette partie de la place dans le noir afin de pouvoir la « nettoyer » tranquillement, selon la technique éprouvée du couvre-feu. Cette précaution a certes sauvé le gueuleton du Siècle d’une annulation piteuse, toutefois elle n’a pas empêché les convives — dont l’ancien numéro deux du Medef Denis Kessler, l’ex-secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat, la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet et le député UMP François d’Aubert — d’essuyer quelques jets d’œufs, de farine et de serpentins.

La privatisation de l’espace public s’est ensuite logiquement conclue par la mise en danger de certains manifestants, contraints de fuir le harcèlement policier en courant au milieu de la circulation automobile, puis par l’arrestation musclée d’une cinquantaine de pique-niqueurs pacifiques, parmi lesquels deux membres de notre Collectif, Pierre Carles et Michel Fiszbin, ainsi que d’un client allemand de l’hôtel Crillon qui passait par là par hasard. Emmenés aux commissariats du 11ème et du 20ème arrondissements, nos camarades ont eu droit à une fouille en règle et aux tracasseries habituelles avant d’être relâchés tard dans la nuit.

Le Collectif Fini les Concessions – Branche Armée… de Patience (CFC-BAP) se félicite néanmoins du succès de ce rassemblement, qui n’en restera pas là. Fidèle à sa devise : « Nous ne vous oublierons jamais ! », le CFC-BAP appelle à renouveler l’opération tous les mois en l’amplifiant, jusqu’à ce que ce banquet incestueux soit interdit pour trouble manifeste à l’ordre public.

Post-scriptum

Nous pouvons témoigner du fait que les CRS assignés à la protections des nantis, des puissants et de leurs larbins sont de mauvais camarades de jeux. En effet, alors que nous n’étions là que pour nous amuser avec insouciance et cotillons dans cette cours de récréation si bien nommée qu’est la Place de la Concorde, nous avons constaté de visu, et subit pour certains et certaines d’entre nous, les coups bas suivants :
– tirages des cheveux des filles par derrière avec arrachage de mèches entières,
– croche pieds aux journalistes pour qu’ils tombent et cassent leur caméra et appareils photos,
– coups de matraques inopinés sur la tête avec déchirement du cuir chevelu et saignements abondants,
– coups de matraques sournois dans le visage avec cassages de nez et autres contusions,
– jets de bombes lacrymogènes dans le yeux à bout portant pour faire pleurer les garçons,
– plaquages au sol intempestifs à trois contre un avec rouages de coups,
– interpellation musclée avec étranglement,
– tordages de doigts et de poignets juste pour faire mal.
Il est vrai que le Commissaire Principal du XXème arrondissement nous a avoué que le capitaine de l’équipe des CRS manquait un peu d’expérience et de sang froid, mais tout de même, nous sommes un peu déçus par ce manque de fairplay.


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