Ultra Demon

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ULTRADEMON – LP – TOFU 79 – 8 euros

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Trio de Toulouse

contact : ultrademons [at] gmail.com

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Interview ULTRA DEMON

L’interview s’est déroulée le 28 octobre 2014 dans la cuisine de la mère d’Estelle à Clichy sous bois, pendant un day off vers la fin de leur tournée.

Pascal : Racontez-moi, vous êtes en tournée là ?

Miquel : On a commencé par un day off à Toulouse. Ensuite, on a joué dans la cave des étudiants aux Beaux-Arts de Bourges.

Ça a terminé en partouze ou pas ?

Miquel : Non, pas cette fois là. (rires)

Vous pensez que c’est une légende ?

Miquel : Non, je connais les gens à qui c’est arrivé.

Estelle : ça balance sévère.

Miquel : Je ne dirai pas qui c’est. Ensuite, on a joué aux Instants Chavirés.

Racontez-moi comment ça s’est passé.

Estelle : ça s’est vachement mieux passé que ce qu’on imaginait. On flippait un peu de jouer là-bas. Pour moi, c’est une salle mythique, la prog’ est chanmé depuis des années.

Miquel : Moi, j’avais peur que ce soit une grosse salle avec beaucoup de gens. En fait, Ben qui fait le son, nous a très bien accueilli et il est super tranquille. Gaspard et Emy organisaient, donc ça ne pouvait être que tranquille. Les ricains ont pris toute la pression sur eux. Nous, on pouvait être peinards.

Estelle : J’avais peur que, par rapport à la prog’, ce qu’on fait ce soit trop normal. Donc, ptet chiant pour les habitués de là-bas. En fait, on a eu un pur accueil et un pur retour des gens. J’étais étonnée, en tout cas, ravie.

Vous aviez joué où jusqu’à présent à Paris ?

Miquel : à la Miroiterie. Et puis, je sais plus, j’avais joué dans des bars, chez la Mama, au Turku. La toute première fois (comme disait Jeanne Mas, ndlr), c’était au Parvis de Bagnolet. On était venu en skate et en cadis.

Après le concert de Montreuil, vous avez joué où ?

Miquel : Chez des copains en Belgique à Tourinnes. Ensuite à Amsterdam à ADM (http://admleeft.nl/), un lieu incroyable.

Estelle : En fait, ADM, c’est un squat qui a 17 ans, y’a 150 personnes qui vivent là-bas. Ils ont squatté un port, ils ont des bateaux et des maisons sur l’eau. Ils ont aussi des hangars pour réparer les bateaux, les bagnoles. On a joué dans un bateau renversé.

Miquel : Ils ont sorti un bateau échoué qui était en train de couler, ils l’ont renfloué. C’était décoré comme une bibliothèque d’une maison du 19ème sicèle.

Estelle : Avec des animaux empaillés, des bocaux avec des bêtes dans du formol. La déco était incroyable et les gens étaient super gentils, malgré les trois jours de festival qu’ils venaient de se taper. Ensuite on a joué à Enschede en Hollande, dans un squat, aussi, qui s’appelle le Loch. Des gens hyper sympas, plus jeunes. Ils font des robots, en plastoc’ cette fois. Des fausses caméras de surveillance…

Miquel : des licornes à bascule mais qui font 5 mètres de haut.

La licorne, c’est grave à la mode en ce moment, les chevaux c’est has been.

Miquel : On galère avec les modes. On a regardé la télé ce matin, on était perdus.

Estelle : Il y avait la télé chez les Headwar. Pour en revenir au Loch, c’est un ancien garage. T’as une fosse pour réparer les camions et c’est là-dedans que se passent les concerts. Le public est au-dessus, autour de toi, c’est super marrant. Headwar a joué aussi et puis un groupe danois de post punk, Less Win et nos copains Vitas Gerulaïtis. Après, on a pris le ferry à Rotterdam. On a passé la nuit dans le ferry, dans des cabines, c’est pas super cher en plus. Et t’as un groupe qui joue. (rires) Ils ont commencé par faire une reprise d’Hotel California, le mec a fait le solo à l’identique, note pour note. Après, c’était moins bien.

Vous n’avez pas cherché à vous incruste ?

Estelle : On y a pensé. (rires) Mais bon… On est arrivé à côté de Leeds, on y a joué, chez nos potes de Wharf’s Chambers. Pur endroit associatif collectif. Quelques-uns sont salariés du lieu. Y’a les gens du groupe Please, qui sont bien connectés avec les Potagers Natures, ils ont tourné avec Api Uiz.

Miquel : C’est les seuls, avec les gens de Bradford, qui éditent une newsletter tous les mois. Ils insistent sur le fait qu’ils font du diy et que ça rend les concerts plus appréciables. C’est fait par passion, pas pour la thune.

Estelle : Et puis, ils te logent et te nourrissent.

Miquel : Et ils deviennent tes potes. C’est Nico de Headwar qui nous racontait que, ce groupe anglais qui tourne souvent en Europe, quand tu joues chez eux, ils te disent : « ben, non, la bouffe, tu vas au kebab en face et puis pour dormir tu vas te faire voir. » Mais on vous a accueilli 10 fois chez nous, vous avez vu comment on vous accueille. Et ils disent « ah, mais l’Europe, c’est trop bien ». Réveille-toi quoi, tu peux faire pareil chez toi.

Estelle : Ensuite, on est monté à Newcastle. C’est une ville étudiante un peu marrante. La première fois qu’on y avait joué, il y avait un festival gratuit dans toute la ville. C’était super drôle, on avait joué sous un pont vers 17h, avec les familles attablées. Après nous, il y avait un groupe limite hooligan. Le guitariste a balancé sa Telecaster par-dessus le pont. Y’a un mec qui s’est foutu à poil et qui dansait sur les tables pendant que les familles continuaient à manger, tranquille. Cette fois, on a joué dans un bar et le « promoter » nous a dit qu’il ne nous filerait pas de thunes.

Miquel : On s’est incrustés avant un gros groupe de Hard Rock un peu macho. L’entrée était à 8 livres. Ils avaient des petits sandwichs, des boissons, nous rien. Il nous a ramené une bière à un moment, mais il a fallu le demander. Et la bouffe, tu te démerdes. On a heureusement dormi chez une copine rencontrée l’année d’avant.

Le bon plan anglais pourri typique.

Miquel : En plus tu joues en premier et tu prêtes ton matos.

Estelle : Après, on a été à Perth, une petite ville en Écosse. On a joué dans un pub énorme. T’as un promoteur qui vient juste pour dire dans quel ordre on va jouer, combien de thunes on va avoir. C’est le seul contact qu’on a eu avec lui. On te file 40 balles, pas de bouffe, pas de plan dodo, donc on est allé camper dans la montagne à côté. Ça fait partie des rigolades des tournées en Angleterre. Ça ne s’est pas bien passé entre l’ingé son et Miquel, du coup on était super tendus mais au final ça a donné un bon truc. Les gens ont super bien réagi.

Miquel : Après, on est descendu à Glasgow. Un mec marrant qu’on a rencontré au concert de Newcastle l’an dernier nous avait pris notre démo et nous a aidé à sortir le LP avec son label, Good Grief. Ça faisait un an et demi qu’on discutait avec lui par mail. Il nous a trouvé les plans en Écosse. Il a un peu galéré puisque qu’il nous a trouvé deux dates et le reste on l’a passé dans son appart. (rires) Mais on fait les disquaires, les charity shops et on est allé voir des concerts.

Les disques sont plus chers là-bas, même dans le diy ?

Estelle : On a vendu notre disque 7 livres au lieu de 7 euros en France, ce qui fait 10 euros en gros, et les gens trouvaient encore que c’était pas cher. Ensuite, Miquel voulait qu’on passe à Liverpool pour voir les Beatles. On a galéré pour passer la nuit, il fallait trouver un endroit où poser le camion et où Lambert pourrait poser sa tente. On a pas été très discrets à installer la tente. On se couche, on s’endort et là les keufs arrivent et tapent sur le camion. Ils nous demandent combien on est et nous disent qu’ils ont reçu une plainte, que les gens du camion auraient eu un « suspicious behaviour » dans les bois. On leur a juste raconté qu’on était allé pisser. Ils sont quand même allés chercher dans les bois et heureusement qu’ils n’ont pas trouvé Lambert, comme il galère à communiquer en anglais. Ensuite on était à Bradford, c’était le meilleur concert de la tournée. Le 1 in 12 est un ancien squat qu’ils ont fini par racheter collectivement. Un truc sur 3 étages, magnifique, des gens sympas.

Il y avait du monde ?

Miquel : Ouais.

Estelle : Après, quand t’as 30 personnes là-bas, t’as du monde. A l’inverse de la France, si t’as pas un groupe local, t’es sûr qu’il n’y aura personne. En France, tu vas plutôt voir le groupe en tournée, comme le groupe local tu l’as vu 15 fois. Ensuite à Londres, c’était pas super, c’était au Power Lunches. A Londres et comme dans d’autres grandes villes, tu as des clans. Des gens payent pour venir voir un groupe, mais ne prennent pas la peine d’aller voir les autres. C’était un peu décevant. On est partis de Londres, on a pris le Ferry et on a joué à Dunkerque. On a fait 0 entrée au Kalvaire, mais premier slam de la tournée.

Miquel : Et hier on était à Amiens, au Grand Wazoo. Le patron est trop cool. On a joué avec Merde Fantôme et Feromil, un mec qui fait son set à partir d’un détecteur de métaux et des pédales. C’est super bien.

On là on est à Clichy-sous-bois chez ta mère.

Estelle : Oui, j’ai grandi là. Après, j’ai découvert les squats, j’ai habité dans un squat dans le 20ème. J’ai rencontré les gars de Coche Bomba qui sont venus jouer chez nous et avec Toff, le bassiste, on s’est dit « faut qu’on aille au Pays-Basque ». Je leur ai dit, « allez je viens vous chercher en 4L à Lyon ». On se dirige vers le Pays-Basque et là on est tombés à Toulouse sur des potes qui venaient d’ouvrir un lieu et on a jamais décollé.

Toi Miquel, tu as aussi vécu en région parisienne ?

Miquel : Oui, mais il y a débat sur la question de si c’est la banlieue ou non, c’est le terminus du RER B.

Ben, si le RER y va, c’est encore la banlieue…

Miquel : Je suis parti avec mes parents à Toulouse, j’avais pas le choix. C’est là que j’ai commencé à écouter du punk, à aller dans les squats. J’ai commencé à répéter aux Pavillons Sauvages quand je suis parti de chez mes parents, et à aller voir tous les concerts qui s’y passaient. J’ai trouvé d’autres musiques que le punk, mais qui se faisaient dans le même endroit. Ça m’a vachement ouvert. C’est toujours là qu’on répete et que Lambert habite. C’est là qu’on traîne pour les concerts, il n’y plus vraiment d’autres lieux à Toulouse. Les squats sont très éphémères. Le Petit London, qui était le seul bar bien, a changé de patron et ce n’est plus le même bar.

Et Lambert ?

Estelle : Lambert vient de Villefranche de Rouergue dans l’Aveyron. Je sais pas pourquoi, tous les gens qui viennent de là-bas ont écouté des trucs bien barrés et ont fait des groupes entre le free jazz et le punk.

Miquel : Avec une touche de folklore aveyronnais reconnaissable. Novel Optic sont un peu les parrains des musiciens et artistes dans ce coin de l’Aveyron.

Estelle : Maintenant, il habite aux Pavillons Sauvages et il joue dans un groupe qui s’appelle Mur(s). Et puis il a arrêté de bosser, donc on est partis faire des tournées à fond les ballons.

Miquel : Ensuite on va se croiser au Monstre Fest et on enchaîne une tournée avec Presque Maudit. On va notamment passer aux Cuizines à Chelles le 5 décembre, on a été invité par un petit promoteur du 93, j’en profite pour faire la pub dans Pollution Capitale. (rires)

Comment est né Ultra Démon ?

Estelle : Au départ, on faisait un groupe qui s’appelle Seasick6 avec deux autres copines. On a fait une tournée, ça prenait forme. On a fait un disque. Miquel et moi étions super motivés à faire plein de concerts, mais les copines avaient d’autres priorités. On a eu une discussion et il en est ressorti qu’on devrait monter un autre groupe pour satisfaire notre envie de concerts. Lambert est venu nous brancher et on a fait Ultra Demon.

Miquel : Au début, on avait pleins d’idées, de trucs qu’on voulait faire. On ne s’est pas rendus compte que ça prenait du temps. On a direct payé un pote qui avait un studio pour nous enregistrer un disque. C’était super minable. On avait jamais fait de concerts, on s’était pas bien préparés. Le pote qui nous a enregistré était pas à fond sur ce qu’on faisait. On avait beaucoup d’ambitions dès le début. On avait déjà la pochette qu’on a utilisé au final pour le LP. On a fait 10 copies et on s’est rapidement rendu compte que c’était trop la honte.

Estelle : Maintenant, j’essaye de les récupérer. (rires)

Miquel : Après on a fait des concerts, ce qui a vraiment fait évoluer le groupe. Ça n’a plus grand chose à voir avec les débuts.

Estelle : On ne composait pas pareil. On arrivait avec des trucs plutôt doux, composés à la maison. Lambert est plus sur l’énergie. Ça faisait des compos un peu bizarroïdes. Beaucoup de ruptures de rythmes, parfois un peu trop. Maintenant, on compose en répet.

Il y a néanmoins toujours des ruptures…

Estelle : On aime bien ça, mais les nouvelles compos sont plus fluides, plus basées sur un truc à trois. On écoute tous les trois des choses très différentes. Ça nourrit le truc et c’est ce qui le rend un peu bizarre parfois.

Miquel : On a jamais voulu ancrer le groupe dans un style.

Vous ne bossez pas, professionnellement parlant. Comment envisagez-vous la musique ? Vous êtes dans une optique d’autogérer ça et vivoter ou vous voudriez en faire un gagne pain ?

Estelle : Dans un monde idéal, j’aimerais bien vivre de ce que je fais. Maintenant, ce que ça suppose de vivre de ce que tu fais… De toute façon, des gens qui vivent de la musique, je ne sais même pas si j’en connais beaucoup. Ce sont des gens qui jouent dans des SMAC et font beaucoup de cachets. Et puis il y a aussi les gens qui se retrouvent à faire du balloche, des Club Med, des trucs comme ça. Bon, on est pas du tout dans cette optique là. Ça me paraît pas jouable. Dans un monde idéal, j’aimerais pouvoir vivre de ça, car c’est ce que je fais tout le temps. J’ai toujours vécu avec peu de thunes, donc c’est pas un problème financier, c’est juste que des fois je n’assume pas ce truc…

De toucher ces thunes de l’État ?

Estelle : Oui et de ne pas participer… Par rapport à des gens qui vont bosser, des fois je n’assume pas vraiment mon mode de vie. Ça fait des années que je devrais l’assumer, et puis je sais que politiquement ça se tient de pouvoir choisir de ne pas travailler. En Angleterre, y’a pas de RSA, ils ont tous des jobs, mais du coup ils se sont débrouillés pour choper des jobs qui sont pas trop mal.

Miquel : Comme ce que tu fais à Pompidou ou Marianne aux Instants Chavirés, bosser dans des trucs d’art avec des horaires pas trop chiants qui te permettent de faire ce que tu veux. Moi, j’ai pas le même problème de conscience. Je sais que c’est nul comme position le RSA, mais j’ai l’impression que tout le système est nul et donc j’m’en fous. J’aime pas le système. En même temps, j’ai eu 25 ans à Dunkerque il y a deux jours et je vais faire ma première demande de RSA. Ça fait quelques années que j’étais en RSA couple, mais je faisais aussi des micro jobs de modèle. J’avais jamais de thune, je taxais tous mes potes. Je n’aime pas envisager le truc des thunes par le fait de faire des groupes. J’ai cette idée que ça pervertit. Imaginons que, malgré toi, ça marche. En fait, l’album d’après, il faut que ça marche encore. Si je me lance là-dedans, j’ai peur de me chier et que ça ne me plaise plus. Même si, quand j’étais ado, j’étais super fan de Nirvana et j’avais trop envie de faire ça, au final je ne sais pas trop. Le truc du RSA, ce n’est pas satisfaisant. A long terme, j’aimerais développer ce truc de studio. J’aime bien faire des enregistrements, je pourrais me perfectionner là-dedans et, éventuellement, en faire pour des gens et arriver à vivoter de ça. Je suis encore en train d’apprendre au fur et à mesure des disques qu’on fait. Pourquoi pas me perfectionner dans la réparation de matos aussi. Des choses liées à la musique, car c’est ça qui me passionne, mais des choses plus techniques, par sur mes créations.

Où se situe la limite entre ce que vous voulez bien faire et ne pas faire ?

Estelle : Avec Seasick6, c’est une question qui s’est posée super vite. On nous a proposé de jouer à la Dynamo, qui est presque une SMAC, un peu entre les deux. Un peu bizarre, y’a pas de programmateur, donc il y a tout et n’importe quoi qui passe. Une jauge de 300 personnes.

Miquel : Fouille à l’entrée.

Estelle : Et du coup il y avait des gens dans le groupe qui refusaient de jouer dans ce genre de lieux. Des lieux commerciaux à prix d’entrée fixe. Mais je me disais, du coup, on ne joue que devant nos potes dans des squats ? Est-ce que c’est ce dont j’ai envie ? Je ne sais pas. Je ne sais même pas exactement pourquoi on fait de la musique. Est-ce qu’on la fait pour les potes ? J’en suis pas persuadée, je la fais pour moi avant tout. Mais ça fait aussi plaisir de jouer devant des gens que tu ne connais pas, de rencontrer des gens, sans délire de carrière ou je sais pas quoi. En tout cas, cette ligne stricte avec Seasick6, nous a évité pas mal d’écueils. Avec Ultra Demon, on a joué au Saint des Saints à Toulouse, qui est un peu craignos. Derrière le bar, t’as quand même des photos de nichons de meufs et ils disent qu’ils te payent un coup à boire si tu les laisses prendre en photo tes nichons. Et puis, il y a des rumeurs comme quoi des fafs y traînent et qu’ils feraient du délit de faciès. Le concert n’était pas bien, ça ne m’a pas donné envie de jouer dans des trucs juste pour s’ouvrir. On nous a reproposé d’y jouer, on avait accepté, mais j’avais dans l’idée de faire un petit speech. Mais le concert a été annulé.

L’idée, c’était de l’accepter, mais d’essayer de faire passer quelque-chose ?

Estelle : En tout cas pas juste d’être dans un lieu où tu subis des choses qui ne te plaisent pas sans rien dire. On est dans une position privilégiée, tu es sur scène, si tu le prépares bien, ça peut donner quelque-chose d’intéressant. Sans donner de leçons. Après, on a jamais trop joué dans des grandes salles. Un groupe que je trouve exemplaire dans cette idée d’ouverture, c’est The Ex, même s’il paraît qu’ils ont un rider super chiant et qu’ils demandent pleins de trucs. Ils vieillissent aussi, tu dois fatiguer au bout d’un moment de faire des tournées. Mais ils ont fait pleins de disques avec pleins de gens différents et ont gardé une éthique.

Miquel : On privilégie le diy parce que c’est plus humain, pas seulement pour l’aspect politique. Comment les gens se parlent, comment tu interagis avec le public, avec les organisateurs, avec les autres groupes. On est pas dans les squats juste pour la réappropriation des loyers.

Estelle : Je suis arrivée dans les squats parce que tout ce que j’aimais se réunissait dans un lieu. Le végétarisme, le féminisme, un concentré de gens qui pensaient comme moi ; ça coulait de source de rester dans ce milieu là. Cette scène qui vit grâce à des gens qui font ça bénévolement, par passion. On baigne tellement là-dedans, que des fois on est surpris des réalités autour.

Miquel : Je suis assez fier de faire les choses par moi-même. C’est en partie parce que je veux contrôler ce que je fais, mais aussi parce que c’est cool de faire ça entre potes. On fait les disques nous-mêmes, on n’a pas de tourneur, on n’a pas de facebook.

C’est bien de le préciser dans Pollution Capitale.

Estelle : La plupart des concerts en Angleterre sont promus par facebook, pas de flyer. Tout le monde te demande si tu as un facebook. Mais, c’est pas grave. On peut communiquer quand même.

Vous faites comment pour caler des concerts, vous les jeunes gens qui n’avez pas de facebook ?

Miquel : par mail ou téléphone pour caler les dates.

Estelle : On fait des flyers, des affiches ensuite.

Miquel : Il y a aussi un blog qui recense les concerts. Beaucoup de gens à Toulouse suivent ce truc là. Il a une ligne et en même temps est super ouvert.

Estelle : Je crois que la ligne c’est de ne pas annoncer les concerts au-dessus de 10 euros. Il y a beaucoup de copinages et consanguinité dans cette scène, mais, en même temps, elle est tellement grande. On tisse les liens au fur et à mesure. Ça s’entretient, ça continue d’exister et ce n’est pas que du copinage. Pendant un moment, c’était la scène punk hardcore qui était la plus active sur les concerts, petit à petit ça s’ouvre sur d’autres musiques.

Miquel : Même si c’est de la grosse pop, on s’en fout. Si ça le fait, ça le fait.

Estelle : Après, dans Femme Actuelle on va te parler de diy… Tout est perverti dans pleins de sens.

Que pensez-vous de ce phénomène d’attraction dans les deux sens entre une sphère hype / mainstream et notre petite sphère à nous ?

Estelle : Je ne sais pas, mais ça me fait flipper.

Miquel : Le contraire serait étonnant. On ne va pas faire comme si les autres n’existaient pas. J’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup de groupes diy qui cherchent à être connus. J’ai du mal à mesurer tout ce qui est du domaine de la récupération. J’ai l’impression que ça a toujours existé, ils ont besoin de matière.

Estelle : Même le fanzine est à la mode. Tous les artistes disent qu’ils ont des fanzines, alors qu’ils vont faire faire le truc dans des boites. Ils les vendent super cher, mais c’est un fanzine.

Miquel : La sérigraphie aussi. Ça part de la microédition qui est quelque chose de bien, mais ça se transforme davantage en supermarché.

Estelle : Mais sinon, je pense que ça tient au groupe de faire des choix. Si ça fait le buzz, tu choisis si tu vas dans ce sens là ou pas.

Miquel : Tu viendras pas pleurer si après on se fait récupérer par une SMAC à Chelles. (rires)

Estelle : En tout cas, c’est parce qu’on a le RSA qu’on a du temps et qu’on a pas besoin d’être payés. S’il n’y avait pas le RSA, est-ce que cette scène pourrait survivre ? C’est une question que je me pose en permanence, même s’il y a pleins de pays qui n’ont pas le RSA et ont pourtant une scène active. Bien avant d’avoir le RSA, j’étais déjà dans cette scène, on avait pas de thunes, mais on savait vivre autrement. On faisait énormément de récup’. Quand tu vis en collectif, tu as beaucoup moins de dépenses : tu ne payes pas de loyer et tu as moins besoin d’argent globalement.

Miquel : J’aime bien le bénévolat dans le groupe. On a toujours eu une caisse du groupe et toutes les thunes qui rentrent vont dans la caisse. En tournée, on se paye à manger avec cette caisse. C’est une manière de rendre le groupe autonome. Là, Estelle a mis 500 euros de réparation dans le camion, on va payer grâce à ça. Lambert a besoin de matos de batterie, le groupe va lui acheter.

On parlait de mixité, est-ce qu’aux Pavillons Sauvages vous observez une mixité sociale et ethnique ?

Miquel : Il y a un moment où, culturellement, la salle s’était ouverte à n’importe quelle asso. C’était comme si elles louaient la salle gratuitement, la seule condition c’était de faire les concerts à prix libre et de nettoyer avant de partir. C’était devenu n’importe quoi. Les habitants ont un peu repris le truc, c’est eux qui organisent. J’ai l’impression qu’il y a de la mixité, mais qu’est-ce que t’en penses ?

Estelle : Quand je vais à Bagatelle (quartier populaire de Toulouse, ndlr), j’ai l’impression de voir de la mixité. Aux Pavillons Sauvages, on reste dans une classe moyenne blanche. Faut pas se leurrer sur la mixité non plus. Tout le monde peut venir, mais je ne suis pas certaine que tout le monde s’y retrouve. Après, il y a une volonté anti-sexiste, anti-capitaliste, anti-homophoe et anti-raciste. Pour autant, cette scène n’est pas si mixte que ça. D’un point de vue sociologique, on vient tous à peu près des mêmes classes.

Miquel : J’ai tout de même l’impression que ça arrive qu’on voit débarquer des jeunes qu’on ne connaît pas. Ils ne comprennent pas forcément, éventuellement ils consomment de manière normale, vont parfois ne pas faire attention au lieu et aux nuisances.

Estelle : Parfois, c’est plus confortable d’être entre-soi car on sait comment ça marche. Sinon, il faut rappeler des bases : que le lieu n’est pas pérenne, etc. Si cette scène peut donner l’impression de tourner sur elle même, c’est aussi parce que c’est bien pratique : nous avons les mêmes bases, on n’a pas toujours à remettre les choses à plat. Ça n’empêche pas les conflits internes…

Miquel : Mais les Queers n’hésitent pas à venir et se sentent bien. La même chose pour les bolos, du coup ça fait des embrouilles, mais tout le monde est venu. Ces mondes antinomiques se retrouvent.

On va terminer sur votre disque, est-ce que vous pouvez m’en parler un peu ?

Estelle : Après plusieurs tentatives de démos, on a fini par avoir des morceaux biens, en tout cas qui nous plaisent. On a fait ça en deux jours dans la cave des Pavillons Sauvages. C’est Miquel qui a enregistré avec les moyens du bord, fait le mixage. Ensuite, on a fait masteriser par un gars qu’on nous a conseillé en Angleterre. On a sérigraphié les pochettes nous-mêmes à Villefranche avec Igor. On a tout plié et collé à la main, on dirait qu’ils sortent d’usine. (rires) On est assez contents de ce disque au final.

Miquel : On cherche à faire ce disque depuis longtemps. Le groupe était devenu de plus en plus vénère sur scène. Un disque qui cherche juste à retranscrire l’énergie, c’est un peu chiant à écouter dans son salon. T’as pas forcément bu des bières et envie de péter des trucs. On avait l’idée qu’il fallait qu’on fasse un truc plus posé, plus expérimental.

Estelle : Qui ne soit pas le set tel qu’on le joue en live. Je n’écoute pas de trucs speed à la maison, j’écoute des trucs plus planant.

Miquel : Mais au final, c’est beaucoup plus violent que ce que l’on avait prévu de faire. Ce qui est bien, car les gens qui voient le concert et prennent ce disque peuvent être contents. Tu y trouves à la fois de l’énergie et des choses à écouter de manière posée.

De quoi parlent vos textes ?

Estelle : Il y a peu de chant. Il y en a une qui parle d’une panne de camion qui était intense puisqu’elle nous avait foiré le reste de la tournée et on avait dû tout annuler. Y’en a une de Miquel qui parle d’anesthésie générale comme il s’en est tapé plusieurs en quelques mois.

Miquel : Des sensations, c’est pas forcément très profond. Il y a un truc un peu violent mais que j’aimais bien. C’est un instantané sans nécessairement de message sur l’anesthésie.

Estelle : Il y a Have No Fear, elle tient un peu du slogan comme ça. Il y a une phrase de Nietzsche qui dit : « Une homme qui ne dispose pas des deux-tiers de son temps pour son propre usage, n’est pas un homme libre ». Je voulais la caser quelque part. En parallèle, c’est une chanson sur le fait de voyager léger. En tout cas, de ne pas flipper et de ne pas s’encombrer, car tu n’as pas beaucoup de temps à passer là.

Miquel : Et puis il y a une chanson qui parle de claustrophobie et d’agoraphobie qui s’appelle Sors. C’est inspiré de nos vies et de celles d’autres gens. Ça parle du fait de se sentir mal quelque part car il y a trop de gens, donc tu rentres chez toi et tu t’y sens trop seul.

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